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Partie I   Partie II

   Nos reporters ont remonté le temps afin d'interroger l'un des hommes qui a le mieux compris les Amérindiens de la Nouvelle-France. Allez avec eux et découvrez la pensée des premiers hommes de ce continent...

 

Les reporters d'Histoires Croisées : Bonjour Nicolas.

Nicolas Perrot : Bonjour.

Les reporters d'Histoires Croisées : Nous voulions vous poser quelques petites questions sur les coutumes et religion des sauvages de l'Amérique septentrionale que vous avez côtoyés pendant une partie de votre vie ; merci d'avoir accepté.
Tout d'abord, est-ce que les sauvages ont une ou des croyances à propos de la création du monde ?

 

N.P : Tous les peuples qui habitent l'Amérique septentrionale n'ont aucune connaissance de la création du monde que celles qu'ils ont apprises des Européens qui les ont découverts, et qui conversent tous les jours avec eux. Ils ne s'appliquent que très peu à cette connaissance.

 

Les reporters d'Histoires Croisées : Qu'en pensez-vous ?

N.P : Les lettres et l'écriture ne sont aucunement en usage chez eux, et toutes leurs histoires pour les antiquités ne se réduisent qu'à des idées confuses et fabuleuses qui sont si simples, si basses et si ridicules, qu'elles méritent d'être seulement mises en lumière pour en faire connaître l'ignorance et la grossièreté.

 

Les reporters d'Histoires Croisées : Allez-y, éclairez-nous…

N.P : Ils tiennent que tout n'était qu'eau avant que la terre soit crée ; que sur cette vaste étendue d'eau flottait un grand cajeux de bois, sur lequel étaient tous les animaux de différentes espèces qui sont sur la terre, dont le grand Lièvre, disent-ils, était le chef. Il cherchait un lieu propre et solide pour débarquer ; mais comme il ne se présentait à la vue que cygnes et autres oiseaux de rivière sur l'eau, il commençait déjà à perdre espérance, et n'en voyaient plus d'autre que celle d'engager le castor à plonger pour apporter un peu de terre du fond de l'eau, l'assurant au nom de tous les animaux, que s'il en revenait avec un grain seulement, il en ferait une terre assez spacieuse pour les contenir et les nourrir tous.

 

   Mais le castor essayait de s'en dispenser, alléguant pour raison qu'il avait déjà plongé aux environs du cajeux sans trouver le fond. Il fut cependant pressé avec tant d'insistance de tenter derechef cette haute entreprise, qu'il s'y hasarda et plongea. Il resta si longtemps sans revenir, que les suppliants le crurent noyé ; mais on le vit enfin apparaître presque mort et sans mouvement. Alors tous les autres animaux voyant qu'il était hors d'état de monter sur le cajeux, s'intéressèrent aussitôt à le retirer ; et après lui avoir bien visité les pattes et la queue ils n'y trouvèrent rien. 

 

   Le peu d'espérance qui leur restait de pouvoir vivre les contraignit de s'adresser à la loutre, et de la prier de faire une seconde tentative pour aller quérir un peu de terre au fond de l'eau. Ils lui représentèrent qu'il y allait également de son salut comme du leur ; la loutre se rendit à leur juste remontrance et plongea. Elle resta au fond de l'eau plus longtemps que le castor, et en revint comme lui avec aussi peu de fruit. L'impossibilité de trouver une demeure où ils puissent subsister ne leur laissait plus rien à espérer, quand le rat musqué proposa d'y aller, si on voulait, tâcher de trouver fonds, et qu'il se flattait même d'en apporter du sable. On ne comptait guère sur son entreprise, le castor et la loutre bien plus vigoureux que lui n'en ayant pu avoir. Ils l'encouragèrent cependant, et lui promirent même le souverain de toute la terre s'il venait à bout d'accomplir son projet. Le rat musqué donc se jeta à l'eau et plongea hardiment. Après y avoir été près de vingt-quatre heures, il parut au bord du cajeux le ventre en haut sans mouvement et les quatre pattes fermées. Les autres animaux le reçurent et le retirèrent soigneusement. On lui ouvrit une des pattes, ensuite une seconde, puis une troisième, et la quatrième enfin, où il y avait un petit grain de sable entre ses griffes.


   Le grand Lièvre qui s'était flatté de former une terre vaste et spacieuse, prit ce grain de sable et laissa tomber du cajeux, qui devint plus gros. Il en reprit une partie et la dispersa. Cela fit grossir la masse de plus en en plus. Quand elle fut de la grosseur d'une montagne, il voulut en faire le tour, et à mesure qu'il tournoyait, cette masse grossissait. Aussitôt qu'elle lui parut assez grande, il donna ordre au renard de visiter son ouvrage avec pouvoir de l'agrandir : il lui obéit. Le renard ayant connu qu'elle était d'une grandeur suffisante pour avoir facilement sa proie, retourna vers le grand Lièvre pour l'informer que la terre était capable de nourrir et de contenir tous les animaux. Sur son rapport, le grand Lièvre se transporta sur son ouvrage, en fit le tour, et le trouva imparfait. Il n'a depuis voulu se fier à aucun de tous les autres animaux, et continue toujours à l'augmenter, en tournant sans cesse autour de la terre. C'est ce qui fait dire aux sauvages, quand ils entendent des retentissements dans les concavités des montagnes que le grand Lièvre continue de l'agrandir. Ils l'honorent, et le considèrent comme le dieu qui l'a créée. Voilà ce que ces peuples nous apprennent de la création du monde, qu'ils croient être toujours porté sur ce cajeux. A l'égard de la mer et firmament, ils assurent qu'ils ont été de tout temps.

Suite....

 

 

 

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